REPÈRES CHRONOLOGIQUES
1934-1940 Enfance en Bosnie
Popović Ljubomir, dit Ljuba, naît le
14 octobre 1934 à Tuzla, (Royaume de
Yougoslavie), dans le territoire de l’ac-
tuelle Bosnie et Herzégovine. Sa mère
Spasenija, issue d’une famille de prêtre
et son père Aleksa, riche marchand,
possédaient une propriété avec une au-
berge-épicerie, sur la route de Tuzla à
Zvornik. Quelques jours avant sa nais-
sance, le roi Alexandre de Yougoslavie
est assassiné à Marseille. Ljuba disait
souvent que sa venue au monde a été
marqué par des drapeaux noirs du deuil
national et que sa mère, traumatisée par
les événements, avait eu un accouche-
ment particulièrement difficile. Il insis –
tait également sur le fait qu’il était né
« à l’envers ». En signe de reconnais-
sance pour le dévouement de la sage-
femme, les parents donnèrent au bébé
le prénom Ljubomir choisi par elle, et non pas celui du grand-père paternel
comme l’exige la tradition serbe.
Ljuba était un enfant aimé, mais crain-
tif et replié sur lui même. La chasse aux
écrevisses par le serviteur Steva dans
la petite rivière voisine, les histoires ef-
frayantes de brigands racontées par le
barbier de son père et au fond du jar-
din la tombe entourée de fraisiers d’un
premier enfant de ses parents, sont les
souvenirs les plus marquants qui lui restent. La parution du premier numéro
d’un journal pour les enfants du nom de
« Politikin zabavnik » est un événement
qui lui a fait une forte impression. Son
père Aleksa était abonné au quotidien
« Politika », que le chauffeur de l’auto-
car qui assurait le trafic Belgrade-Tuzla
lançait par la fenêtre, sans s’arrêter. Un
jour, le journal atterrit devant Ljuba qui
découvrit quelques feuilles bariolées
du supplément destiné aux enfants. On
peut dire qu’à cet instant s’ouvre devant
lui, un nouvel univers duquel il ne vou-
dra plus jamais sortir.
1941 - 1952 Scolarité à Valjevo
A la veille de la Seconde Guerre mon-
diale, la famille déménage à Valjevo, en
Serbie, échappant ainsi à l’extermina-
tion de la population serbe par les mu-
sulmans indépendantistes et pro-nazis.
Les membres de la famille restés en
Bosnie et Herzégovine ont été sauvage-
ment assassinés et toutes les traces de
leur existence (maisons, tombes, pa-
piers administratifs…) ont été effacées.
Ljuba fréquente l’école primaire pen-
dant la durée de l’Occupation alle-
mande. L’enseignement se déroule la
plupart du temps dans la grande salle
d’une taverne. Les officiers allemands
réquisitionnent la maison familiale et
laissent seulement aux parents et à leur
fils la cuisine et une petite chambre. La
famille ne profitera jamais du confort
de leur demeure car une fois les Alle-
mands partis, ils sont immédiatement
remplacés par les dignitaires commu-
nistes.
Cette période est marquée par les
jeux avec ses petits camarades et par
son intérêt pour les activités sportives,
notamment le football qui occupe une
place toute particulière. Ses premières
lectures, romans d’aventure et bandes
dessinés, suscitent en lui l’envie de
s’exprimer par le dessin. Il passe des
journées entières dans « Le Clapier »,
une cabane qui servait à son père pour fumer la viande et à lui-même pour
élever des lapins, lire et dessiner. Ici
naissent ses premières « œuvres d’art »,
des bandes dessinées inspirées par ses
lectures de jeunesse.
A l’époque du collège et du lycée,
Ljuba commence à se distinguer par
ses talents d’écriture et d’expression
plastique. Il emporte le premier prix à
un concours d’analyse de film, devant
Živojin Pavlović, qui deviendra metteur
en scène et futur ami. Il gagne ses pre-
miers honoraires en dessinant des af-
fiches publicitaires pour une salle de
cinéma de la ville tout en y travaillant
comme assistant-opérateur dans la
cabine de projection. C’est ainsi qu’il
commence à aimer passionnément le
cinéma, amour qui durera jusqu’à la fin
de ses jours.
1953-1957 Belgrade, Académie des Arts Appliqués
Le lycée terminé avec des notes plu-
tôt bonnes, Ljuba a envie de poursuivre
ses études à l’Université de Belgrade.
Ses ressources sont maigres et sa fa-
mille ruinée, qui subsiste grâce à une
allocation octroyée par l’état, ne peut
pas l’aider. Son père, qui avait perdu
sa fortune en quelques années, peine à
trouver du travail et s’installe progres-
sivement dans un état de proche de la
prostration. Les modestes sommes
d’argent que Ljuba gagne de temps en
temps ne changent quasiment rien à
cette situation.
Le directeur de la salle de cinéma,
qui apprécie le travail de Ljuba, lui pro-
pose alors d’assurer la sélection des
films à Belgrade contre une modeste
bourse et, parallèlement, d’apprendre
le métier de peintre à l’Académie des
Arts Appliqués. Muni d’une recomman-
dation de son professeur d’éducation
artistique du lycée, il y arrive au mois
d’octobre 1953 et se rend immédiate-
ment au bureau du recteur de l’Acadé-
mie Branko Šotra. Il est bien reçu mais
apprend, à sa grande déception, que les
examens d’entrée sont déjà terminés.
Pour ne pas perdre toute l’année sco-
laire, il s’inscrit à la Faculté d’Histoire
de l’Art et à un atelier de dessin sur le motif (semblable
à l’Académie de la
Grande Chaumière
à Paris). A la bi-
bliothèque de la
faculté il découvre
les reproductions
en couleur des
grands maîtres. A
l’atelier il acquiert
les bases du métier
tout en se confron-
tant à la réalité de
la chair humaine.
Il se lie d’ami-
tié avec quelques
compagnons d’études qui préparent
le concours de l’Académie des Beaux-
Arts.
En automne 1954, Ljuba est reçu au
concours et entame sa première an-
née d’études à l’Académie des Arts
Appliqués. Au début il se plie aux exi-
gences de ses professeurs, mais plus
le temps passe plus il a du mal avec les
exercices académiques. Comprendre
la forme et la rendre avec une exacti-
tude naturaliste ne le satisfait pas. Il
veut toucher ce qui palpite derrière les
apparences et le passer au filtre de sa
propre sensibilité. En observant le tra-
vail aux Beaux-Arts, lui vient l’idée de
proposer à ces compagnons de classe
l’étude de nus à l’échelle grandeur na-
ture ainsi que la peinture à l’huile. Son
travail devenant très personnel il entre en conflit avec certains professeurs.
Viscéralement attaché à ses choix ar-
tistiques et têtu de surcroit, Ljuba n’est
pas prêt à faire la moindre concession.
Le point de rupture sera atteint au dé-
but de la quatrième année d’études où
il sera prié de quitter l’établissement.
Lors de ces années passées aux Arts
appliqués, il se lie d’amitié avec Živojin
Pavlović qui, comme Ljuba, abandon-
nera la peinture décorative pour se
consacrer au cinéma et à l’écriture.
1957-1959 Belgrade, Académie des Beaux-Arts
Suite à son exclusion des Arts Appli-
qués, une deuxième chance lui sourit
dans sa carrière de peintre. Le profes-
seur Ivan Tabaković, qui apprécie son
travail et qui n’est pas d’accord avec
la décision de renvoi, le recommande
à son collègue des Beaux-Arts, le pro-
fesseur Marko Čelebonović. Alors, Lju-
ba poursuit ses études dans la classe
de ce grand pédagogue, qui saura le
laisser suivre sa propre voie et mener
à bout ses propres expériences plas-
tiques.
Il dispose déjà d’un espace de travail
qu’il aime appeler « mon atelier » ou «
la Coupole », remis en état l’année pré-
cédente avec l’aide de deux de ses amis
étudiants, Nikola Rudić et Miša Marti-
nović. C’est une coupole qui surplombe
un immeuble de cinq étages, un vaste
espace de forme hexagonale, éclairé
par cinq petites fenêtres, par lesquelles
pénètre une étrange et dense lumière
jaune. De nombreux tableaux conçus
entre 1957 et 1959 portent les noms évo-
quant « la coupole » ou « le grenier » :
Les fantômes du grenier (1958), Nu du
grenier (1958), L’image verte du gre-
nier (1959), etc. Les tableaux de cette
période se distinguent par la prédo-
minance de la figure humaine au visage plutôt effacé, immobile, empri-
sonnée dans un espace inquiétant
et étouffant. La palette chromatique
évolue entre le jaune et l’ombre bru-
lée, avec quelques rares excursions
dans les tonalités vertes et rouges.
Lors de la traditionnelle exposition
d’œuvres des élèves qui clôt l’année
d’étude, Ljuba fait connaissance du
peintre Léonid Šejka, fondateur du mou-
vement Mediala. Ce personnage charis-
matique, qui prônait la synthèse entre
l’esprit de la renaissance et la pensée
moderne, dit d’emblée à Ljuba : « tu es l’un des nôtres ». Dès l’année suivante,
deux tableaux de Ljuba font partie de la
troisième exposition de Mediala, qui se
tient dans la galerie belgradoise Gra-
fički kolektiv. Cette amitié, à forte co –
loration initiatique, se terminera brus-
quement en 1970, avec la mort de Šejka.
En 1959, une exposition de l’art sur-
réaliste, collection Urvater, est présen-
tée à Belgrade. Pour la première fois,
Ljuba voit des œuvres originales de Dali,
Chirico, Magritte, Delvaux, Max Ernst… Il est impressionné plus qu’il n’est prêt
à l’admettre. L’esprit surréaliste trans-
paraîtra surtout dans ses écrits de jeu-
nesse, qu’il prendra l’habitude d’appe-
ler « La température du jour ».
1959-1963 Service militaire et fin d’études
Après avoir terminé sa cinquième et
dernière année d’études aux Beaux-
Arts, Ljuba décide de se perfectionner
pendant deux années supplémentaires
dans ce qu’on appelait à l’époque un
« atelier de Maître ». Il s’inscrit chez
le professeur Milo Milunović, tout en
craignant de se faire étouffer par son
autoritarisme. Malgré sa réputation
d’intransigeance, ce professeur res-
pecte les motivations profondes de
Ljuba en lui prodiguant seulement des
conseils d’ordre technique. L’écriture
picturale de Ljuba s’enrichit alors de
formes nouvelles, à la lisière de l’or-
ganique, de l’architectural et du miné-
ral. Les tableaux emblématiques de
cette période sont Isabelle et Le ban-
quier et sa femme.
Au début de la première année, Lju-
ba effectue un court voyage à Paris en
compagnie de quelques amis étudiants.
Son but est de visiter le Louvre, de se
promener sur les quais de la Seine,
d’arpenter les rues de Montmartre et
de rencontrer Dado, un peintre de sa
génération, parti de Belgrade trois ans
plus tôt. Même si cet artiste singulier
impressionnait Ljuba avant leur pre-
mière rencontre, le fait de le voir expo-
ser à Paris, à la galerie Daniel Cordier, suscite en lui l’espoir qu’un jour une re-
connaissance semblable sera possible
pour lui aussi.
Sur les conseils du professeur Mi-
lunović, il interrompt ses études après
la première année pour accomplir son
service militaire. Il est affecté dans
un régiment d’artillerie installé dans
une forteresse à Bileća, petite ville de
l’ancienne république Bosnie et Herzé-
govine. Très sportif, les activités mili-
taires ne lui posent aucun problème. Il
s’occupe également de la station radio,
dessine et peint quelques tableaux qu’il
ramènera à Belgrade. Parmi eux : L’ac-compagnement, L’élevage des boîtes mé-
talliques et Jon Ihtem.
En automne 1961, Ljuba revient à
Belgrade pour reprendre le cours de
Milo Milunović mais, seul dans la Cou-
pole avec lui-même et ses toiles ina-
chevées, il est en proie à des angoisses
et des malaises qu’il maîtrise par un
travail intensif. Il termine le
tableau Saint Sébastien en re-
maniant d’une façon radicale
la composition précédente.
La monochromie, signe dis-
tinctif de tous ses tableaux
depuis 1957, reste intacte
pour l’instant. Sa fidélité à
l’ombre brulée s’achèvera
de manière brillante avec un
tableau de très grand format,
Les Pèlerins d’Emmaüs. Ap-
paraîtra ensuite une étrange
tonalité rose-rouge accom-
pagnée d’un éclatement des
formes à la limite de l’abs-
traction. Sa rupture avec la
réalité des choses ainsi que
son insoumission aux règles
de leur représentation si-
gnifient en même temps
l’éloignement du groupe Me-
diala. Ce qu’il peindra doré-
navant n’obéira à aucun sys-
tème théorique. Il découvre
le même état d’esprit chez
Dušan Makavejev, un jeune
cinéaste, avec lequel il se lie d’amitié et participe même à la réali-
sation de son premier film « Parade ».
1963 - 1964 Arrivée à Paris et première exposition
Les sept années d’études ont été
marquées par un travail régulier et un
certain repli sur lui-même. Sorti du
cadre universitaire Ljuba est quelque
peu déboussolé. L’avenir est flou. En
même temps il éprouve le besoin
d’élargir ses horizons au-delà des en-
jeux stylistiques qui lui étaient fami-
liers. Au mois d’octobre il débarque
à Paris en espérant pouvoir y gagner
sa vie et s’y installer définitivement. Il
n’apporte avec lui que cinq toiles rou-
lées : Danaë, La floraison, Isabelle, Isti-
hon, Salon de beauté. Un ami lui trouve
une chambre, « pas plus grande qu’un
tombeau », dans un hôtel miteux du
passage des Abbesses. Grâce à une
lettre de son professeur Marko Čele-
bonović qui le recom-
mande auprès de Ginette
Signac, fille du peintre
Paul Signac, il fait ses
premières rencontres
avec le milieu artis-
tique parisien. Lors d’un
vernissage à la galerie
Creusevault, Ginette Si-
gnac le présente à René
de Solier, historien et
critique d’art, passionné d’art fantastique, qui sera le premier à s’intéresser à son
travail et à le défendre. C’est ce der-
nier qui l’envoie chez Marcel Zerbib,
propriétaire de la galerie Diderot, 145
boulevard Saint-Germain. Celui-ci lui
achète les toiles apportées de Bel-
grade et décide de lui assurer un reve-
nu mensuel en échange des tableaux.
Les mois difficiles où il a été obligé de
travailler comme peintre en bâtiment
pour subsister seront bientôt derrière
lui. Pourtant il n’a toujours pas d’atelier.
Il dessine assis sur son lit, les feuilles
de papier posées sur les genoux. Pen-
dant quelque temps, Ginette Signac lui
prête une chambre de bonne dans son
imeuble de l’île Saint-Louis où il com-
mence son premier tableau parisien La
multiplication du bizarre.
Grace au cercle de ses nouveaux
amis, il s’installe, au 11 rue Lepic, dans
un atelier prêté par l’artiste américaine
Ruth Francken, partie en Allemagne
pour deux ans. Dans cet espace spa-
cieux, bien chauffé et éclairé par une
grande verrière, il se jette à corps
perdu dans le travail avec une éner-
gie décuplée. En mai 1964, la première
exposition parisienne de Ljuba a lieu à
la galerie Edouard Smith, tenu par Ar-
mand Zerbib, frère de Marcel. L’insti-
gateur de cette exposition était en fait
René de Solier. Son nom sur le carton
d’invitation, attire un public nombreux
au vernissage qui se prolonge tard
dans la nuit. Les tableaux de Belgrade côtoient les tableaux
conçus les derniers
mois : Le Petit prince,
La multiplication du
bizarre, Le jardin des
délices, La porte du
paradis…
Les toiles de
cette période se
distinguent par une
structure plus com-
plexe et plus riche.
Les perspectives
se multiplient, les
formes oscillent
entre la fermeté et
la dissipation dans
la matière picturale. La suprématie
des tonalités chaudes est rompue par
l’apparition de nuances étouffées de
vert et de jaune et d’un bleu froid in-
tense. Depuis l’exposition de ses ta-
bleaux aux yeux du public, Ljuba com-
mence à rencontrer des peintres, des
écrivains et des critiques d’art. Parmi
eux Patrick Waldberg qui fait autorité
dans le champ de la pensée surréaliste
et Jacques Kermoal, écrivain et journa-
liste à Paris Match, qui écrira un texte
pertinent sur son œuvre.
Au cours de l’année 1964, il participe
également à quelques expositions col-
lectives en Yougoslavie. Notamment à
Zagreb, « Fantastique dans les dessins
des artistes contemporains de Bel-
grade », avec un catalogue préfacé par Aleksa Čelebonović.
Un changement significatif intervient
dans sa vie privée. Il se rapproche de
la jeune architecte Nataša Jančić, qu’il
a rencontrée pendant une de ses ran-
données montagnardes, en hiver 1955.
Il l’épousera quelques années plus
tard. De cette union naîtront deux filles :
Adriana (1970) et Tiana (1978).
1965 Atelier de Charenton
En février 1965, Ruth Francken an-
nonce son retour anticipé à Paris qui
oblige Ljuba à chercher un nouveau
lieu de travail. Une amie de Nataša lui
propose de reprendre son deux-pièces
à Charenton, une petite ville tranquille
de la banlieue parisienne. Coupé du
cercle de ses amis qui partageaient son
quotidien durant presque deux ans, il
se laisse absorber par sa peinture. Sa
seule distraction sont les matchs de
football avec les Espagnols du quartier.
Au début de l’année, une toile de
grand format qui s’intitulera Requiem,
occupe toute son attention. Les nouveautés formelles et chromatiques qu’il
introduit finissent par provoquer en lui
un réel malaise qui le pousse à déposer
le tableau chez son ami peintre Bata
Mihajlović. Ce geste illustre bien les
rapports compliqués que Ljuba entre-
tient avec ses œuvres. Un autre tableau
s’avère plus facile à apprivoiser. C’est
Hérania, dont le titre lui est inspiré par
l’héroïne du roman de science-fiction
« La sphère d’or » de l’auteur australien
Earl Cox. Plus tard il dira qu’il a traité
ce tableau « comme un rêve d’amour et
d’immortalité ». Il termine le tableau
Dieu d’illusion, commencé l’année pré-
cédente et peint La Cène en réinterpré-
tant la composition empruntée à Léo-
nard de Vinci. Durant la même année
il peint une quinzaine de tableaux de
format modeste
sur lesquels
il peut donner
libre cours à
ses inventions
aussi bien thé-
matiques que
techniques. Par
exemple, le fond
est exécuté a
tempera ou à la
gouache, tandis
que les formes
plus élaborées
sont travaillées
à l’huile.
1966 Montparnasse
Au cours de l’année 1966 Ljuba quitte
l’atelier de Charenton et s’installe avec
Nataša dans un appartement du quar-
tier Montparnasse. Mais l’univers d’un
lieu d’habitation est difficilement com –
patible avec la création. Il le ressent
comme une entrave à son travail de
peintre qui a toujours été pour lui
d’une importance vitale. Les tableaux
de cette période sont peu nombreux,
pourtant ils n’ont rien perdu de leur
efficacité plastique. Il commence Lji
ljana ou La voie lactée et peint en même
temps Balthazar, tableau étrange dont
le nom, d’après lui, n’a rien à voir avec
celui que le groupe Mediala avait donné
à un vagabond belgradois pour en faire
un symbole de la vie libre.
Mal dans sa peau il s’interroge sur le
sens de la peinture. Encore une fois il
éprouve le besoin de dialoguer avec les
grands Maîtres. Avec son ami Arsić ils
se rendent à Gand afin de voir le polyp –
tyque L’agneau mystique de Jan van Eyck.
Quelques mois plus tard, une visite à la
National Gallery de Londres lui laissera
un souvenir inoubliable : Les Ambassa-
deurs de Hans Holbein. La reproduction
de ce tableau, avec sa fameuse anamor-
phose du crâne, symbole du lien entre
les sciences occultes et l’art, ne quittera
plus jamais le mur de son atelier.Marcel Zerbib organise la deuxième
exposition personnelle de Ljuba, cette
fois dans ses propres galeries, d’abord
à Saint Germain-des-Près puis un mois
plus tard à Bruxelles. Un petit livre est
édité à cette occasion, avec un texte de
Jacques Kermoal qui écrit : « Connaître
Ljuba c’est entrer de plein pied dans
un monde fantastique
qui n’a d’imaginaire
que notre limitation
d’invention. […] Si ce
monde est parfois ab-
surde, c’est parce que
notre manière de voir
est parfois absurde ».
1967 Atelier du passage d’Odessa
Cette année, Ljuba trouve enfin un
atelier qui lui convient parfaitement. En
fait c’est un grenier vétuste et sale. Il
lui faudra beaucoup d’heures de travail
pour le rendre habitable. Ce qui a rete-
nu son attention : le volume de l’espace
et la verrière qui diffusait une froide
lumière zénitale. Et puis, ce coin de
Montparnasse a une toute autre allure
que le reste du quartier. Le passage
d’Odessa est fréquenté par la bohème
et surtout par de jeunes comédiens de-
puis que le café-théâtre du Lucernaire
s’y est installé.
Après plusieurs mois d’activité ré-
duite Ljuba se sent à tel point envahi par
l’énergie créatrice qu’il met en chantier
simultanément plusieurs toiles. Il peint
Isabelle quelques années plus
tard, en référence au tableau
Isabelle, datant de l’époque
de Milo Milunović. Ce tableau
témoigne, comme beaucoup
d’autres, de la fragilité du
corps humain mais aussi de
la pérennité du langage pic-
tural de Ljuba.
Dans le courant de l’année, il
participe à plusieurs manifes-
tations officielles à Paris, An –
tibes, Montrouge et Belgrade.
La galerie Rive Gauche, dirigée par R. A. Augustinci, présente sous le titre
« 22 peintres d’une figuration autre »
les dessins et les gravures de Ljuba en
compagnie des œuvres de Max Ernst,
Dorothéa Tanning, Henri Michaud, Wil-
fredo Lam, etc.
1968 Premiers grands formats
C’est une année dédiée au travail.
Dans son nouvel atelier, clair et spa-
cieux, Ljuba consacre des journées
entières aux tableaux qu’il a commen-
cés l’année précédente et à quelques
autres plus récents. Il peint une toile de
très grande taille, L’ange de la perversité
ou le réveil des petites boîtes (195 x 250
cm), qui sera exposé au Salon de Mai à
Paris et acheté plus tard par le Centre
national d’art contemporain (CNAC). Le
tableau dégage une très forte sensuali-
té. Des formes en apesanteur, arrondies
et molles, entourent la figure féminine
centrale suggérant l’idée qu’un même
magma originel engendre l’intégralité
du monde.
Au mois de mai, le chef-d’œuvre de
Stanley Kubrick « 2001, L’Odyssée de l’Es-pace » sort sur les écrans. Très impres-
sionné par ce monument du septième
art, Ljuba commence un tableau long de
trois mètres qui s’appellera « Divination
ou l’hommage à Arthur Clarke et Stanley
Kubrick ».
Il participe à l’exposition « De l’imagi-
nation » organisée par R. A. Augustinci,
dans sa galerie Rive Gauche à Paris.
1969 Maison de Vrnik
Comme chaque année, Ljuba passe
les mois d’été en Yougoslavie. A Valjevo
il retrouve sa bande d’amis. A Belgrade il
passe des heures à discuter de peinture
avec Leonid Šejka. Il se rend ensuite sur
l’Adriatique. La nature austère et le ciel
bleu l’aident à se ressourcer, à « nettoyer
son esprit ». Avec Nataša, ils achètent
une maison en ruine sur la petite île de Vr-
nik, située au large du Korčula. Rénovée
et agrandie dans la tradition locale des
anciens tailleurs de pierre, elle deviendra
le lieu d’accueil estival de nombreux amis
yougoslaves et français. Parmi eux : René
de Solier et son épouse René Miesse,
Anne Tronche et Philippe Curval (écri-
vain), André Pieyre de Mandiargues et
Bona de Mandiargues (peintre), Georges
Fall (éditeur), Jacques Goldsmith (éditeur
et fondateur de la revue Quadrum), Gor-
don Sax et Ruth Hoffman (éditeurs de
la monographie américaine sur Ljuba)…
Ljuba dira plus tard dans une interview :
« Dans ma vie, Vrnik a un arôme tout à fait
particulier qui fait que je m’en souviendrai
toujours avec plaisir ».
A Paris il rencontre régulièrement René
de Solier. Il ne parle toujours pas français,
mais les deux hommes n’ont pas besoin
de mots pour se comprendre et s’appré-cier. René de Solier le présente à Georges
Lambrichs, romancier et directeur d’une
collection aux éditions Gallimard.
Le tableau Divination est terminé et
exposé au Salon du Mai à Paris. Simul-
tanément Ljuba travaille sur plusieurs
tableaux de grande taille : Annabella ou
la soif du mal, L’hibernation, La question
des objets hystériques, Une leçon d’al-
chimie, La ville des hommes mordus, La
somnambule…
En septembre, le Musée National
de Valjevo organise une exposition des
œuvres de Ljuba couvrant la période 1957
– 1963. En novembre, il participe à l’exposi-
tion « Signes d’un renouveau surréaliste »,
organisée par Patrick Waldberg à la gale-
rie Isy Brachot à Bruxelles. Il confie à un
ami qu’il a eu quelques réticences à pro-
pos de cette exposition parce que, intime-
ment, il ne se considérait pas surréaliste.
1970 Connaissances, première fille, mort du père
Au printemps Ljuba participe à une
deuxième exposition organisée par Pa-
trick Waldberg, titrée « Résonnances
surréalistes ». Dans le texte de pré-
sentation du catalogue, Waldberg écrit
: « Ce n’est pas l’un des moindres mé-
rites de Ljuba que de nous remettre en
conscience, grâce à son art, le carac-
tère sacré de ce monde de terreur ».
Il termine les tableaux La question
d’éternité et L’hibernation. Simultané-
ment il travaille sur un grand format
vertical, La création des androïdes,
aux harmonies chromatiques très
complexes. Anne Tronche, un des plus
grands connaisseurs de l’œuvre de
Ljuba, dira plus tard : « ici la couleurest devenue une syntaxe. Elle unit ou
rapproche les termes séparés de la
composition ». Il peint également Glo-
ria. Placée au milieu de la scène, une
apparition féminine évanescente et lai-
teuse inonde de sa douce lumière une
multitude d’éléments allongées et cris-
tallins.
Ljuba fait la connaissance d’Alain
Jouffroy qui anime en compagnie de
Jean-Clarence Lambert, une revue de
combat pour la jeune expression plas-
tique : « Opus international ». Cette an-
née-là, le comité de rédaction prépare
un numéro spécial consacré à la You-
goslavie. Jouffroy écrit à cette occasion
un article dans lequel il réunit Ljuba et
Dado sous le titre « De Dado-la-guerre
à Ljuba-la-paix ».
Durant l’été il fait un court voyage
à Florence qui, pour des raisons per-
sonnelles, lui laisse un souvenir douloureux. Il notera dans son journal :
« Encore aujourd’hui, lorsque je songe
à Florence, le souvenir me trahit et je
ne parviens pas à en dresser une image
convaincante. Je vois une ville dorée
aussi étrangère à mon univers familier
qu’une autre planète ».
Au mois de mai naît la première
fille de Ljuba, Adriana. A l’automne il
fait la connaissance de Thessa Herold
qui avait inauguré sa galerie quelques
mois auparavant. Bientôt, une longue et
fructueuse collaboration va naître. Elle
ne sera interrompue qu’avec la mort de
Ljuba, quarante-six ans plus tard.
Au mois de septembre meurt le père
de Ljuba. Au mois de décembre meurt
son précieux et irremplaçable ami Leo-
nid Šejka.
1971 Première monographie
Le cycle de la « peinture cosmique »,
annoncé l’année précédente par La
création des androïdes et la mise en
chantier d’un grand format horizon-
tal intitulé Naissance de l’homme cos-
mique, s’enrichit. Dans la même veine
Ljuba peint Par-delà la porte des étoiles
et L’échèle de l’infini. Il abandonne
progressivement la peinture de huis
clos, concentrée sur un personnage
ou deux dans un espace confiné, au
profit de scènes de présentation plus
vastes. L’écriture picturale est de plus
en plus souple et fluide. Porteuses de
lumière et d’énergie, les formes s’al-
lègent de leur poids matériel, comme
en témoigne Une chambre à Florence,
tableau très intimiste, d’une sensibilité
troublante.
En octobre, la galerie Isy Brachot
de Bruxelles organise une exposition
personnelle de Ljuba. Trente-six ta-
bleaux couvrant la période 1967 – 1970
y sont présentés. Le texte du catalogue
est écrit par René de Solier. Fervent
amateur de l’œuvre de Ljuba, il écrit
en secret un autre texte qui sera bien-
tôt publié sous forme de monographie.
L’ouvrage, édité au Musée de Poche,
sortira au mois de décembre. C’est la
première monographie d’un peintre
yougoslave jamais sortie en France. A cette occasion, Thessa Herold ex-
pose dans sa galerie (Galerie de Seine)
quatre tableaux de grands formats,
remarqués par historien de l’art Anne
Tronche qui exprime ouvertement son
enthousiasme. Quelques années plus
tard, à l’initiative de Thessa et Jacques
Herold, elle écrira un important texte
sur Ljuba pour la monographie éditée
par Gordon Sacks à New York.
Le collectionneur et écrivain Jean
Davray découvre l’œuvre de Ljuba et
devient un acheteur et un défenseur fi-
dèle. Grâce à son soutien financier, la
cote des tableaux de Ljuba commence
à monter sur le marché de l’art.
L’ambassadeur de Yougoslavie Ivo
Vejvoda organise dans sa résidence pa-
risienne une réception à laquelle il in-
vite Ljuba et Salvador Dali. Lors de leur
rencontre, les deux peintres discutent
surtout de leur expérience respective
dans l’emploi des couleurs.
1972 Percée de l’érotisme
Les tableaux de cette année se dis-
tinguent surtout par une très forte per-
cée de l’érotisme. Le corps féminin au
sexe exhibé est mis en avant sur Vénus
et la mort, Sabra ou l’Hommage à ma-
dame Robin, La ville des hommes perdus
et quelques autres. Pourtant Ljuba conti-
nue à refuser catégoriquement toute évi-
dence figurative et tout récit qui l’accom –
pagne. La recherche purement formelle
reste au centre de ses préoccupations. « Le seul vrai sujet de sa peinture a tou-
jours été la peinture elle-même » dira-t-
il dans une interview, vingt ans plus tard.
En février, suite aux recommandations
de René de Solier, André Pieyre de Man-
diargues visite l’atelier de Ljuba. Entre
l’écrivain surréaliste et le peintre, une
étrange complicité s’établit immédiate-
ment.
En mai et juin, vingt-trois tableaux de
Ljuba, réalisés entre 1970 et 1972, sont
exposés à la Galerie de Seine, avec un
catalogue préfacé par André Pieyre de
Mandiargues et René Etiemble. Mandiar-
gues écrit : « Artistes de tête ou artistes de main, les peintres se divisent aussi en
hommes de main chaude et en hommes
de main froide, ce qui met en franche
opposition, cette fois, Ljuba et Dali, dont
la glaciale habileté n’a rien en commun
avec la manière fervente qui sur les toiles
du premier se donne libre cours ».
Par l’intermédiaire du comte Guy de
Lahoussaye, Ljuba fait la connaissance
du galeriste américain Julien Aberbach,
qui l’exposera deux ans plus tard.
Au cours de l’année il participe à plu-
sieurs expositions collectives à Paris,
Bruxelles et Skopje.Pendant son séjour estival à Valje-
vo, Ljuba rencontre Slavica Batos, jeune
bachelière et future étudiante en archi-
tecture. Une dizaine d’années plus tard
elle deviendra sa compagne, puis sa
deuxième femme. De leur union naîtra
un garçon en 1989 qui, selon la tradition
serbe, recevra le nom de son grand-père
paternel, Aleksa Popović.
1973 Maîtrise du métier
Ljuba qui ne vit véritablement qu’à
travers la peinture continue à décou-
vrir ce qui s’agite sous la surface de sa
conscience, en interrogeant la matière
picturale. L’espace se tord sur les toiles,
les visions s’entremêlent, les formes
se plient aux diverses approches ocu-
laires. En témoigne surtout le tableau
Florence ou la naissance de la mélancolie,
commencé en 1972 et terminé l’année
suivante, mais aussi Le coucher du soleil
ou le complexe de Lilith, avec le même
décentrement du regard. Sur un très
important tableau de cette période, in-
titulé La prière ou la clé de l’univers, il
est évident que ces distorsions calculées des perspectives vont de pair avec
une parfaite maîtrise du métier.
La Galerie de Seine organise l’ex-
position « Collection fantôme » dont
le but est d’expliquer la vitalité de la
peinture surréaliste, jusqu’à cette an-
née 1973. Le choix des tableaux et le
texte de présentation du catalogue est
confié à Philippe Soupault, cofondateur
du mouvement surréaliste avec André
Breton. Le tableau de Ljuba Le lot et
lotus est présenté avec des œuvres de
Brauner, Camacho, Dominguez, Ernst,
Klee, Tanguy, Miro, Picabia…
Durant cette année, Ljuba participe
aux expositions collectives à Paris,
Bruxelles, Belgrade et dans plusieurs
villes d’Italie dans le cadre de l’exposi-
tion « Surréalisme encore et toujours »
organisée par Patrick Waldberg.
1974 Exposition à New York
A l’initiative de Thessa Herold, Alain
Bosquet, poète et écrivain français d’ori-
gine russe, écrit le texte pour une mono-
graphie sur Ljuba publiée aux Éditions
de la Connaissance, Bruxelles. C’est la
première monographie d’une collection
qui se propose de faire mieux connaître
les artistes qui se sont révélés depuis
1945. Elle est dirigée par Jacques Gold-
smith, le créateur de la revue Quadrum.
La signature du livre a lieu à la Galerie
de Seine avec la présentation de huit ta-
bleaux.
La même exposition, complétée de dix
nouvelles toiles, est présentée au mois
de septembre à la galerie Aberbach Fine
Arts, à New York. Malgré la césure radicale de langage avec les courants esthé-
tiques de l’époque, l’exposition connaît
un réel succès. Le public manifeste
avec beaucoup de spontanéité son in-
térêt pour les grands formats : Le corps
temporel, L’atelier, Le jour et la nuit… Le
catalogue est préfacé par Sam Hunter,
historien américain de l’art moderne, et
par René de Solier. Exceptionnellement,
Ljuba fait figurer dans le catalogue, ses
propres commentaires des œuvres pré-
sentées. Il reste à New York plusieurs
semaines, en passant son temps à va-
gabonder, à explorer les galeries et à vi-
siter les musées. Il ne peint pas, laissant
désespérément vide l’atelier qu’Aber-
bach a loué pour lui.
Michel Lancelot réalise un film sur
Ljuba pour la télévision française dans
le cadre de la série d’émissions « Les
peintres de notre temps ». Pendant le
tournage, Ljuba en-
treprend l’exécution
du tableau La beauté
du diable.
Au mois de no-
vembre, peu de temps
après son retour à Pa-
ris, la mort de René de
Solier le frappe dou-
loureusement.
Cette année-là Lju-
ba acquiert la nationa-
lité française.
1975 Derniers jours de l’atelier du passage d’Odessa
Depuis la modernisation de la gare
Montparnasse et l’édification de la
tour haute de plus de 200 mètres, le
passage d’Odessa est voué lui aussi
à la reconstruction. Ljuba est obligé
de quitter son atelier. Cette pensée le
rend malade d’inquiétude. Le nombre
de tableaux réalisés est inférieur à la
production des années précédentes,
mais la puissance créatrice reste intacte. Il peint deux grands formats, La
réincarnation (dédié à René de Solier) et
La Conscience Cosmique, où les repères
architecturaux se perdent au pro-
fit d’un espace plus déstructuré, plus
fuyant. On note l’apparition de grands
ciels tourmentés. Deux autres grands
tableaux, La belle de jour et La domp-
teuse et les esprits sont mis en chantier.
Un curieux tableau, intitulé La répul-
sion (K.E.C.), témoigne de la façon dont
s’opère la fusion entre les souvenirs
personnels et les spectres d’une mé-
moire plus ancestrale.
Petar Nedeljković réalise un film sur
Ljuba pour la télévision de Belgrade.
Sept gravures originales de Ljuba
accompagnées du texte de Jean-Cla-
rence Lambert « Les plaisirs difficiles »
paraissent aux éditions Pierre Belfond,
dans la collection de prestige « Les ca-
hiers du regard ».
Anne Tronche commence l’élabora-
tion d’un livre qui doit rendre compte de toute l’œuvre peinte
de Ljuba.
Il fait connaissance
de Jean-Louis Ferrier,
professeur aux Arts
décoratifs et critique
d’art. Le psychanalyste
Jacques Lacan visite
l’atelier de Ljuba.
1976 Anamorphoses et hommage à Goya
En février Ljuba visite l’exposition
« Anamorphoses » aux Musée des Arts
Décoratifs à Paris. Ce genre de peinture
qu’on pourrait décrire approximative-
ment comme le reflet d’un objet dans
un miroir courbe, pose dès la Renais-
sance la question de l’apparence et de
la réalité. Inspiré par l’exposition Ljuba
peint Le cri, prouvant qu’un peintre mo-
derne est aussi susceptible de s’y inté-
resser.
Il fait son premier voyage en Espagne.
Il visite, Barcelone, Cadaquès, Valence,
Madrid et son musée du Prado. Il est
fortement impressionné par le tableau
de Goya Saint François exorcisant un mo-
ribond démoniaque. De retour à Paris il
peint Le printemps (Hommage à Goya),
imprimant à son souvenir une dimen-
sion érotique.Il expose à la Galerie de Seine des
dessins et lavis, en dévoilant dans le
catalogue quelque uns de ses propres
écrits, tirés des carnets « Température
du jour ».
Il participe à l’exposition « Les es-
paces insolites » organisée à Stras-
bourg par le poète et critique d’art
Jean-Dominique Rey, avec Botero, Dado,
Chavez, Veličković et Cremonini.
Au cours de l’été, André Pieyre de
Mandiargues, sa femme et sa fille
viennent séjourner un mois à Vrnik.
Lui et Ljuba passent du temps à se dé-
tendre et à parler dans une atmosphère
amicale et familiale. A son retour à Pa-
ris, Mandiargues écrira le poème « Ode
à Ljuba », avec quelques impressions
sur Vrnik. Le poème sera publié dans
La Nouvelle Revue Française, numéro
de septembre 1977.
Il s’installe dans un nouvel atelier,
rue du Val de Grâce, où il achève La
belle de jour et La dompteuse.
1977 La mise en œuvre du trip- tyque et le voyage en Israël
Ljuba travaille sur plusieurs grands
formats en vue d’une exposition à la
galerie Beaubourg, prévue pour l’an-
née suivante. Il termine La terre (Moly)
et L’ange déchu et commence le tableau
Paradis perdu qui deviendra Désir II.
Dans son cahier il note l’apparition des
tonalités bleues et mauves, « glaciales
et douces comme une couverture de la
mort ». Il met en œuvre un tableau de
très grand format (260 x 400 cm) qui,
une fois achevé, deviendra Hommage à
Sir James Georges Frazer.
Au cours d’un voyage en Israël, il
visite le Mont Sinaï et le monastère
Sainte-Catherine. Il est impressionné
par les nuances des couleurs du désert
de Sinaï « entre le rouge, le rose froid
et le gris ».
Philippe Prince réalise pour la télévi-
sion française un film sur Ljuba intitu –
lé « Métamorphoses ». Le texte d’Alain
Bosquet sert de lien poétique aux ta-
bleaux. Le film ne sera jamais diffusé
à cause d’un différend entre ce dernier
et la maison Gallimard concernant les
droits d’auteur.
1978 « L’amour-monstre », seconde fille
Au mois de février Ljuba expose onze
grands formats à la Galerie Beaubourg,
tenue par Pierre et Marianne Nahon. L’au-
teur du texte pour le catalogue est Anne
Tronche. A la vue de l’ensemble de ses ta-
bleaux il éprouve un malaise « devant un
tel degré de dévoilement ».
Avant l’été il expose à la Fondation
Veranneman (Kruishoutem, Belgique)
vingt-cinq grands formats. Le texte du ca-
talogue est écrit par Alain Bosquet. Pour
cette occasion il exécute aussi deux séries
de petits formats : Dix petits cauchemars et
Les cavernes de l’inconscient.
Il fait la connaissance d’Anatole Dau-
man, fondateur et président de la société
de production « Argos films ». A l’initiative de ce dernier, le cinéaste Walerian Bo-
rovczyk réalise un film de quinze minutes
« Amour-monstre ». Durant le tournage
Ljuba entreprend les tableaux Le loup-ga-
rou et Le printemps.
Svemir Pavić réalise le film « Ljuba
par lui-même ». Certaines séquences du
film sont tournées lors du vernissage de
l’exposition à la Galerie Beaubourg, les
autres sont filmées à Vrnik, pendant l’été.
La maison d’édition Pierre Belfond pu-
blie une monographie de l’œuvre de Lju-
ba accompagnée de textes de plusieurs
auteurs, sous la direction de Jean-Louis
Ferrier.
Vers la fin de l’année sort le livre de Bal-
trušaitis « Le miroir ». Ljuba note la coïn-
cidence entre le contenu du livre et ses
propres tendances à fragmenter l’espace
en multiples reflets et à créer des univers
doubles où se mêlent l’illusion et la réalité.
Dans les années qui suivront, plusieurs « tableaux aux miroirs » naitront sous son
pinceau.
Au mois de mai, naît la seconde fille de
Ljuba, Tiana.
1979 Un triptyque remplace l’autre
Les trois tableaux de grands formats
qui devaient constituer un triptyque
intitulé Paradis perdu, sont séparés
et partent dans trois directions diffé-
rentes. Dorénavant ils s’appelleront
Désir I, Désir II et Désir III. En revanche,
trois autres tableaux sont réunis en
triptyque Hommage à Sir James Georges
Frazer, qui est destiné à la grande salle
du Centre de Congrès Sava, à Belgrade.
Une fois sur place, les tableaux seront
partiellement repeints, dans le but de
former une unité cohérente.En même temps, Ljuba peint les ta-
bleaux L’abîme pour le corps, La femme
de nuit et le diptyque Miroir I et Miroir II.
La Galerie de Seine consacre à Ljuba la totalité de son stand à la FIAC,
au Grand Palais. Six tableaux récents
de grands formats sont exposés, par-
mi lesquels Le baiser de la mort, dédié
au galeriste Alexandre Braumüller qui
s’est suicidé en se jetant dans la Seine.
Braumüller était celui qui a présenté
Ljuba à son plus grand collectionneur
de l’époque Jean Davray.
Michel Lancelot organise l’exposi-
tion « Le musée volé » dans les gale-
ries Isy Brachot et Galerie de Seine, à
Paris. Les tableaux de Ljuba L’iceberg
et La nostalgie doublée sont présentés
avec les œuvres de Botero, Camacho,
de Chirico, Dado, Delvaux, Magritte…
Le film de Walerian Borowczyk
« L’amour-monstre » est projeté en pre-
mière partie du film « Le tambour » de
Volker Schlöndorff dans des salles de
cinéma parisiennes.
La revue d’art et architecture « Ci-
maise » publie un article sur Ljuba,
avec un texte d’Anne Tronche et plu-
sieurs reproductions. Dans le magazine
de l’image « Zoom » sort une interview
de Ljuba réalisée par Isaure de Saint
Pierre, accompagnée de reproductions
en couleur. La revue « Opus interna-
tional » consacre également plusieurs
pages à Ljuba. Le texte est écrit par
Henri-Alexis Baatsch.
Au mois de février meurt la mère de
Ljuba.
1980 Le bleu glacé
Ljuba exécute trois tableaux dans
une tonalité nouvelle de bleu-glacé
: L’époque glaciale, Trois points et La
montagne du désir. Il considère qu’ils
ont germé à partir d’un carré bleu-
froid apparu pour la première fois dans
L’abîme pour le corps de l’année précé-
dente. Les « cristaux de glace » sont
aussi très présents sur la toile Cruci-
fiction, qu’il commence en pressentant
les difficultés dans son exécution. Pour
bien rendre la tension du corps crucifié,
il le peint dans une position horizontale,
avec l’idée de convulsions hystériques,
avant de le redresser.
Il participe à New York à une expo-
sition ambitieuse organisée par Pierre
Cardin dont le titre est : « Les tendances
européennes dans l’art moderne, cent
tableaux de 1950 à 1980 ». L’auteur de l’exposition est l’écrivain et critique
d’art André Parinaud. Ljuba expose Les
jeux de l’amour et de la mort, exécuté en
1970 – 1971 appartenant à Jean Davray.
1981 La Crucifiction
Ljuba termine un de ses tableaux les
plus importants La Crucifiction. Il note :
« Ce tableau est la paix et le tourment,
la douleur des précipices mauves, la
tension hystérique de l’homme, les bri-
sures de mes plus belles illusions ».
Au début de l’année, une exposition
d’aquarelles et de lavis est organisée
dans la galerie parisienne Isy Brachot.
Le catalogue préfacé par Michel Lan-
celot comporte aussi un texte de Ljuba
sur ce qu’est une aquarelle. A Pérouges,
dans le sud de la France, Ljuba expose
27 tableaux de différents formats, de la
période 1976 – 1981. Cette même expo-
sition est présentée, au mois d’octobre,
dans l’espace « Pierre Cardin Evolution »,
à New York.
Gordon Sacks, l’éditeur new-yorkais
publie à l’initiative et avec le soutien
de Thessa Herold, une importante
monographie en anglais, dont le texte
est écrit par Anne Tronche. La mono-
graphie est enrichie par un catalogue
raisonné de l’ensemble des œuvres
peintes de Ljuba. L’ouvrage a été pré-
senté chez Pierre Cardin, lors de l’ex-
position mentionnée plus haut.
Le magazine « Vogue-homme » pu-
blie, dans son numéro de mai, un ar-
ticle sur Ljuba, avec un texte d’Isaure
de Saint Pierre et des photographies d’Alberto dell Orto. Le magazine alle-
mand « Die Kunst » publie, dans le nu-
méro de juin, le texte de Gustav René
Hocke sur Ljuba, accompagné de sept
reproductions en couleur pleine page.
Le même magazine publie le texte avec
des reproductions dans un livre intitulé
« Malerwelt ab 1900 ». La revue litté-
raire yougoslave « Gradac » consacre
un numéro double (42 – 43) à l’œuvre de
Ljuba. Les textes de plusieurs auteurs
sont accompagnés de reproductions en
noir et blanc.
Écrivain et documentariste Jean-Marie Drot réalise une émission télévisée
d’une heure sur Ljuba, dans la série
« L’art et les hommes ». Le film est
tourné à Paris, à Vrnik et au monastère
Morača. Une émission télévisée ani-
mée par Boro Krivokapić est réalisée à
Belgrade.
La grande « Encyclopédie de la
sexualité », en huit volumes, consacre
cinq pages à Ljuba. Le texte d’Isaure de
Saint Pierre est accompagné de cinq
reproductions.
Commencement de collaboration avec
le galeriste belgradois Čedomir Edrenić.
1982 De L’île de mort à L’extase
Achèvement des tableaux commencés
l’année précédente, sur lesquels Ljuba
continue d’explorer le thème de dédou-
blement de l’espace à travers des sur-
faces transparentes ou réfléchissantes.
Ils sont intitulés Les cages d’amour I et
Les cages d’amour II. Le tableau imaginé
comme un hommage à Böcklin, avec une
île sombre dans la partie supérieure, se
transforme en tableau d’un érotisme dé-
bridé – L’extase.
Le tableau La femme de nuit, commen-
cé en 1979, qui a subi plusieurs change-
ments radicaux, est acheté par André
Serval et exposé au Grand Palais dans
« Le cabinet d’un collectionneur ».
La Galerie Marion Meyer présente, en
octobre et novembre, une mini-rétros-
pective de dessins, d’aquarelles et de ta-
bleaux, de la période de 1958 à 1982.
La Galerie de Seine cesse son activi-
té, après douze ans d’expositions. Thessa
Herold, engagée par l’Oréal, prend la di-
rection de la galerie Artcurial.
1983 Premier grand paysage
Ljuba termine trois grands formats
verticaux (195 x 160 cm), commencés en
1982. Après beaucoup d’hésitations, ils
porteront les titres Sodomie et Gomorrhe,
Le secret de la mémoire et La Tentatrice.
Ce dernier tableau était une commande
d’André Serval qui souhaitait un format
trapézoïdal. Au cours de son exécution,
Ljuba décide de garder la forme rec-
tangulaire du châssis d’origine et de re-
noncer à cette commande. Il achève un
étrange tableau, avec un personnage bi-
sexuel, commencé pendant l’été de l’an-
née précédente, à Vrnik, intitulé Double
face de Saturne.
Ljuba peint L’étouffement (Hara-kiri ou
Hommage à Mishima), dont les tonalités
« froides et métalliques » le surprennent
et le déconcertent. Il commence son pre-
mier grand paysage, « longtemps atten-
du et désiré », avec un corps de femme
nue tout au long de la partie inférieure du
tableau. Très vite, le corps est recouvert
par une multitude de petits objets (des
rochers, des fruits, des fleurs…). Le ta –
bleau sera intitulé Le lieu de l’enterrement.
Au mois d’août, le galeriste belgradois
Čedomir Edrenić organise une exposition
d’aquarelles et de lavis, exécutés entre
1980 et 1983. L’exposition a lieu à la Gale-
rie moderne, à Budva, Monténégro.
Ljuba rencontre Etienne Chaton, conservateur des monuments histo-
riques de Fribourg, Suisse. Celui-ci lui
passe la commande d’un carton pour le
vitrail de l’église St Pierre de Carignan,
aux environs de Fribourg sur le thème de
la crucifixion.
Il commence à écrire des articles sur
l’art pour l’hebdomadaire NIN en signant
V. Pop-Ljubojević.
1984 « L’homme ne sera jamais Dieu »
Importante exposition personnelle
à la Fondation Veranneman, en Bel-
gique. Les tableaux couvrant la pé-
riode de 1979 à 1984 sont réunis dans
trois salles hexagonales. Le texte du
catalogue est d’Isaure de Saint-Pierre.
Elle écrit : « Rien de statique dans la
peinture de Ljuba mais un mouvement
vers le ciel ou les enfers, on ne sait. De
même, il ne célèbre pas l’amour heu-
reux ou la création satisfaite, mais le
vertige amoureux de celui qui souffre
de ne posséder le corps aimé, qui
pleure la différence marquant les êtres.
L’homme, jamais, ne sera un Dieu. Lui-
même se condamne à reconstruire son
enfer et à choisir les tumultes et les fu-
ries ».
Le tableau érotique La bague byzan-
tine, peint cette année, est présenté à
l’exposition collective « Art, or et bijoux »
à l’espace Vendôme à Paris.
Par l’intermédiaire de Jean-Louis
Ferrier, Ljuba fait connaissance de Jur-
gis Baltrušaitis, qui lui rend visite dans
son atelier.
1985 L’eau, les forêts, les monstres volants
Le tableau Le lieu d’enterrement, qui a
demandé presque trois ans de travail et
de réflexion, est terminé. Ljuba peint La Lionne, avec le corps d’une femme nue,
véritable pont qui relie les deux rives d’un
paysage aquatique. Cette année l’eau fait
une grande entrée dans la peinture de
Ljuba. Elle occupe également une grande
partie du tableau Le premier pas d’Adam.
Les figures humaines sur ce tableau sont
minuscules, ce qui donne à l’espace une
impression d’immensité. On trouve les
mêmes proportions sur la grande com-
position onirique Le prisonnier de Fribourg.
Ce tableau est annonciateur de futures
architectures fantastiques, sources d’eau,
forêts, cavernes, brumes, monstres vo-
lants…
Jurgis Baltrušaitis publie, dans la nou-
velle édition d’« Anamorphoses – perspectives dépravées »,
trois tableaux de Lju-
ba : Ingrid, Le Cri et Le
Paysage ainsi qu’un
petit texte prove-
nant de ses cahiers
« Température du jour ».
Au mois de no-
vembre, voyage en
Yougoslavie, pour
l’inauguration de la
Galerie Moderne Val-
jevo dont les fonda-
teurs sont, Slobodan
Đukić, Dušan Mihajlo-
vić et Ljuba lui-même. La galerie com-
mence son ac-
tivité avec une
exposition consa-
crée à la pé-
riode belgradoise
de Ljuba.
1986 Douceur et sensualité
Achèvement du tableau de grand for-
mat Les Tentations, commencé l’année
précédente. Contraste entre la délica-
tesse d’une figure féminine et d’un ciel
plein de menaces. Ljuba continue à
peindre les paysages avec de grandes
chutes d’eau. Les corps féminins in-
carnent tous la douceur et la sensua-
lité. Les tableaux les plus significatifs
de cette période sont : L’inquiétude au-
tour de la grande source, Sous le signe du
serpent, L’étude de la douceur, La chute
d’eau, L’eau fraîche du château maudit,
L’écroulement dans le temps…
Une exposition importante est organisée à la Galerie Richter & Masset, à
Munich. La préface du catalogue est de
Gustave René Hocke.
Le magazine « Penthouse » publie,
au mois de novembre, seize reproduc-
tions de tableaux de Ljuba avec le texte
d’Isaure de Saint-Pierre « Le roman-
tisme noir ».
La collection de Jean Davray est ven-
due à l’Hôtel Drouot, à Paris. Michel
Poux, le futur grand collectionneur des
œuvres de Ljuba achète Naissance de
l’homme cosmique.
Séparé de sa première femme, Ljuba
commence sa vie commune avec Slavica
Batos. Voyage à Amsterdam à la fin du
mois de décembre.
1987 Les enfants de l’enfer
Ljuba continue à explorer le thème
du paysage fantastique avec parfois
un corps féminin peint au premier
plan. La première ébauche d’un grand
format horizontal, qu’il décrit comme
« un nouveau cri chromatique », le
surprend. Ce tableau, qu’il n’achèvera
qu’en 1990, sera intitulé Le cri du corps
rose. Sur commande d’Anatole Dauman
il commence un grand paysage mais
très vite il a le sentiment de se répéter.
Il peint alors un ange noir au milieu du
tableau, persuadé que Dauman ne l’ai-
mera pas, d’autant plus que le tableau
s’appelle Les enfants de l’enfer. Dauman
l’achète quand même et le gardera
dans sa salle à manger jusqu’à sa mort en 1998. D’autres tableaux importants
sont : Sous le signe de la croix, Le feu
dans un pavillon d’amour (un des rares
qui n’a pas une dominante bleue) et Pu-
rification dont le format inhabituel (138
x 190 cm) s’explique par le fait qu’il est
peint sur un vieux châssis d’un tableau
de 1959, dont la toile démontée avait été
envoyée à la Galerie Moderne Valjevo.
Dans son numéro de mars-avril-mai
1987, la revue « Cimaise » publie sur vingt
pages, l’essai de Jean-Louis Ferrier sur
Ljuba « Vers le troisième millénaire ».
Le texte est accompagné de vingt repro-
ductions en noir et blanc et en couleur,
couvrant la période 1978 – 1986.
Le tableau Blessure est présenté à l’ex-
position internationale « Surrealism »,
à Retretti Art Centre en Finlande.
Ljuba se rend à Fribourg pour termi-
ner le travail sur le vitrail « Crucifixion ».
1988 La fiction de la crucifixion
Deux grands formats
commencés au mois de dé-
cembre l’année précédente,
avec des éléments picturaux
plus ou moins connus et maîtrisés,
progressent sans trop d’obstacles. Une
fois achevés ils porteront les titres Le
labyrinthe d’apocalypse et Les tentations,
après. En souvenir d’une plage sur l’île
de Jakljan où il passait les mois d’été,
Ljuba peint Le paysage hystérique, dont
le titre initial était La nature menacée.
Sur le tableau La guillotine oubliée, qui
d’après lui évoque « la froideur et l’in-
différence des paysages du XVIIème
siècle », il s’efforce de créer « un
rythme, un mouvement intérieur, qui
inciterait le spectateur à lire le tableau
comme un livre ».
Avec le tableau Le retour d’Ulysse ou
Le naufrage d’un paysage idyllique, Lju-
ba participe à l’exposition collective
« Méditerranée, sources et formes du
XXème siècle » à la galerie Artcurial,
alors dirigée par Thessa Herold.
Le tableau Crucifiction est présenté
à l’exposition « La passion du Christ »
au Musée d’Art Contemporain de Dun-
kerque. Ce n’est qu’à cette occasion
qu’on attire l’attention de Ljuba sur la
faute d’orthographe dans le titre du tableau qui confère à la cruci-
fixion du Christ une aura de
fiction.
Les maisons d’éditions
Albin Michel de Paris et
Prosveta de Belgrade pu-
blient respectivement les
versions française et serbe
de la monographie « Ljuba »
avec le texte d’Anne Tronche, écrit en
1981 pour Alpine Fine Arts à New York.
1989 Atelier de Jakljan, naissance du fils
La série des tableaux autour du
thème « l’eau et les corps » s’enrichit.
Ljuba peint trois toiles au même format
: La révélation de la vérité ou Les amants
cachés, Le retour d’un personnage du
passé et Évaporation vénéneuse. Il les
décrit comme « un mélange de douceur
et d’inquiétude » ou comme « l’idylle
romantique menacée par les batte-
ments de la peur ». Il pose les premiers
coups de pinceau sur une très grande
toile, clouée au mur. Le titre provisoire
est « La lumière blanche de la mort ».
Il note dans son cahier : « la tragédie de
la disparition dans une lumière blanche, dévorante, immatérielle et puissante ».
Terminé en 1990, le tableau s’appellera
L’énigme de la création.
L’écrivain Serge Fauchereau en col-
laboration avec Philippe Soupault, or-
ganise à Montreuil l’exposition « Voya-
geur magnétique », accompagné d’un
important catalogue. Ljuba y expose
Sous le signe de la croix.
Il passe le mois de juin sur l’île de Jakl-
jan, au large de Dubrovnik, où il signe le
contrat pour la construction d’un atelier.
André Serval, un des plus importants
collectionneurs des œuvres de Ljuba
meurt cet été-là. Au mois d’octobre
meurt son ami, l’écrivain Danilo Kiš.
Au mois de juillet naît le fils de Lju –
ba, Aleksa. La veille de la naissance du
garçon, il termine le tableau Révélation
de la vérité ou Les amants cachés.
1990 Le diable est dans le détail
Ljuba finalise les tableaux de grands
formats mis en œuvre au cours des deux
années précédentes : Le cri du corps rose, L’énigme de la création, Les Grottes du
diable et La transparence après le corps.
Inspirée par une idée de Ljuba, Thes-
sa Herold organise l’exposition « Bel-
védère Mandiargues » à la galerie Art-
curial, pour célébrer les quatre-vingts
ans d’André Pieyre de Mandiargues.
Ljuba y est présent avec les tableaux
L’Atelier (1974) et L’énigme de la création.
José Pierre écrit le texte pour le cata-
logue.
Ljuba passe les mois de juin, juillet
et août dans son nouvel atelier à Jakl-
jan avec Slavica et Aleksa. Il note dans
son cahier : « J’ai trouvé l’équilibre du
corps et de l’esprit. Si jamais il y a eu
dans toute ma vie un temps de bonheur
c’était celui que j’ai vécu pendant l’été
1990 à Jakljan ». Durant cet été il peint
plusieurs tableaux, dont ceux qu’il va
exposer à la FIAC, en automne.
Au mois d’octobre, lors de la FIAC,
l’éditeur et galeriste Michel Delorme
consacre à Ljuba l’intégralité de son
stand. A la vue de ses tableaux sous
l’intense lumière blanche du Grand Pa-
lais, Ljuba constate qu’à l’avenir il va
falloir travailler sur « l’enrichissement
du tissu », et ne négliger aucun détail. Exposition à l’occasion du cinquième
anniversaire de la Galerie Moderne
Valjevo. Ljuba y est présenté par deux
anciens tableaux et un texte dans le ca-
talogue.
1991 Dernière fois en Adriatique
Ljuba devient membre de l’Académie
des Sciences et des Arts de Belgrade. Il
commence à écrire une nouvelle série
d’articles sur l’art pour l’hebdomadaire
serbe NIN, cette fois sous son vrai nom.
Le premier article, intitulé « Le malheur
d’un siècle » est consacré à l’exposition
de Géricault au Grand Palais.
Il expose dix-huit grands formats
au château de Gruyères, en Suisse. Le
vernissage le laisse indifférent. Il note :
« Les gens ne sont pas capables de
voir, la peinture n’intéresse personne ».
Exposition à Genève des aquarelles,
des lavis et des dessins à la galerie Art
Bärtschi Compagnie.
La guerre éclate en Yougoslavie.
La colonie de vacances à Jakljan dont
l’atelier de Ljuba fait partie est déser-
tée. Ljuba, Slavica et Aleksa sont seuls
sur l’île avec une famille croate, celle
du gardien de la colonie. Ils regagnent
la Serbie par le dernier vol qui assurait
la liaison entre Dubrovnik et Belgrade.
A Paris, Ljuba peint un tableau de
petit format qui porte le titre Ma pro-
menade après la mort. Facilement re-
connaissable au milieu du tableau, il
se représente lui-même sur le fond
« d’une lumière blanche et dense ». Le 13 décembre meurt André Pieyre
de Mandiargues. Ljuba, profondément
affecté, perd à la fois un défenseur de
son œuvre et un précieux ami.
1992 La Beauté et le Mal
Période marquée par des doutes et
des angoisses. Comme toujours, Ljuba
cherche le refuge dans son travail. Le
tableau commencé vers la fin de l’année
1991 et nommé Cauchemar avance, tout
en étant source d’une certaine perplexité.
« Le corps de femme tendu. Le pont entre
nos passions souterraines et un paysage
de mort. Étrange manifestation de la
beauté, du mal, de la laideur, du chaos ».
Sur un autre tableau du même format
le corps est relevé. L’étonnement se lit
sur le visage. Le titre définitif du premier
tableau sera Cauchemar I, Hommage à
Füssli, du second Cauchemar II, le réveil. Il peint également Le paysage avec la pous-
sière volcanique, « dédié à un amour se-
cret ». Commence La grande image du Mal,
de nouveau une symbiose entre la beauté
et le mal. Il note : « Je trouve que le ta-
bleau est très beau. Pourtant, le mal est
présent, je ne sais pas où exactement ».
Ljuba figure dans le « Dictionnaire de
l’art moderne et contemporain », des
éditions Hazan. Jean-Clarence Lambert
en écrit le texte. « Ljuba élabore son style
propre, entre fantastique et maniérisme,
rêve et réalité, imaginaire et conceptuel ».
Pour la première fois, il passe les mois
d’été hors de Yougoslavie. Il s’installe dans
le petit village grec de Xiropotami, près du
Mont Athos, où il peint le tableau Athos, la
montagne sacrée. Pendant le séjour, il se
rend au monastère de Chilandar.
1993 La mort du soleil
Alors que des nouvelles de plus en
plus inquiétantes lui parviennent de
Yougoslavie, Ljuba peint La mort de So-
leil, « comme un pressentiment de l’ex-
plosion ».
La maison d’édition yougoslave « Le
Rameau d’or » de Sombor publie un
livre sur Ljuba. Un texte inédit de René
de Solier de 1971 est accompagné de
dessins et de lavis de Ljuba. Dans le
livre « Le théâtre de l’âme », Alain D.
Valade lui consacre un chapitre intitulé
« Ljuba ou la Volonté de Création ».
Thessa Herold, après neuf ans passés
à Artcurial, décide d’ouvrir une nouvelle
galerie, cette fois dans le Marais, près du Musée Picasso. Ljuba fait partie de
l’exposition inaugurale « Au rendez-vous
des Amis », au côté de Camacho, Matta,
Mušić, Saura, Zao Wou-Ki… Le cata-
logue est préfacé par Pierre Daix.
Invité par Jacques Mousseau, ancien
rédacteur en chef de la revue « Planète »,
Ljuba effectue un séjour à Tataouine, en
Tunisie. A la fin de ses vacances d’été à
Xiropotami, voyage périlleux à travers
la Macédoine et le Kosovo pour re-
joindre Draško et Branka Milićević, ses
amis collectionneurs, dans leur maison
de Buljarica (village en bord de mer au
sud du Monténégro).
1994 Le romantisme noir
Ljuba termine La mort de Soleil et en-
tame sa phase du « romantisme noir »
avec trois tableaux plus petits, de for-
mat identique : La joie d’un espace
inexistant, Le jardin du paon mort (où
les foudres noires annoncent son désir
de peindre des tempêtes et des catas-
trophes) et Le monde disparu.
Au printemps, Ljuba participe à l’ex-
position « Hantises », organisée par Guy
Bärtschi, dans sa galerie de Genève. Y
sont exposées les œuvres de Bacon, Bell-
mer, Brauner, Matta, Saura, Veličković…
A l’automne, exposition personnelle à la
galerie Guy Bärtschi, catalogue avec un texte et quelques poèmes de Jean-Cla-
rence Lambert. Publication en quatre
langues de « Le Symbolisme » par Mi-
chael Gibson, avec la reproduction d’un
tableau de Ljuba, aux éditions Taschen.
La revue « Poésie » publie sur le thème
de « L’Aimance » des dessins et des
aquarelles de Ljuba, accompagnés de
textes d’Alain D. Valade, André Pieyre de
Mandiargues (Ode à Ljuba) et Patrick
Grainville.
Ljuba passe ses mois d’été à Xiropo-
tami. Il peint sur des toiles clouées ou
collées sur le mur de la pièce qui sert
d’atelier, de séjour et de cuisine.
1995 La demeure des esprits
Ljuba poursuit son travail sur un
tableau horizontal de très grand for-
mat, dont le titre se précise au fur et
à mesure. Tout d’abord « La demeure
des esprits » semble lui convenir. Lju-
ba sent que le tableau « commence à
lui appartenir, qu’il s’y introduit, qu’il
l’habite, qu’il s’y identifie ». Il dit aus –
si : « Autrefois, je me débarrassais de
mes tourments en les déposant sur les
tableaux. Aujourd’hui j’y cherche un re-
fuge ». Une nouvelle lumière apparaît
sur le diptyque Cité – faucon, qu’il défi-
nit comme « la bataille entre la lumière
jaune et un blanc incandescent ».
Il participe à Paris aux expositions
« Figuration – Configuration » organi-
sées par Jean-Louis Ferrier à la gale-
rie Lavigne-Bastille et à « Figuration de
l’imaginaire : du Réalisme fantastique à l’Art visionnaire » à La Galerie de
Franca et Pierre Belfond. A Belgrade,
à la Verica Art Galerie, exposition col-
lective avec Dado, Veličković et Ljuba.
Les textes du catalogue sont écrits par
Živojin Pavlović et Branko Kukić. A Valje-
vo, l’exposition « Petite anthologie de la
peinture fantastique serbe » marque dix
ans de l’existence de la Galerie Moderne
Valjevo.
Deux films documentaires, tous deux
intitulés « Ljuba », lui sont consacrés,
l’un réalisé par Ilja Slani et l’autre par
César Sunfeld.
Ljuba fait connaissance de l’écrivain
et théoricien du surréalisme Saran
Alexandrian qui, quelques années plus
tard, écrira un texte pour une impor-
tante monographie.
Année marquée par des ennuis de
santé. Deux opérations qui l’affaiblis-
sent et suscitent des idées pessimistes.
1996 La naïveté d’une époque
Exposition à la galerie Thessa Herold
de cinq grands formats datant de la pé-
riode 1972 – 1976. Catalogue avec une
préface d’Alain D. Valade et des com-
mentaires de Ljuba sur chacun de ses
tableaux. Lors du vernissage, Ljuba est
étonné par « la naïveté des tableaux et
une volonté d’acier dans l’exécution ».
Au mois d’octobre, participe à l’expo-
sition de groupe « Liste noire » sur le
stand de la galerie Thessa Herold à la
FIAC avec Contes nocturnes (hommage à
E.T.A. Hoffmann). A la Galerie Moderne
Valjevo, à l’initiative de Ljuba, exposi-
tion collective « Métaphysique – Nature
morte » avec un texte de Živojin Pavlo-
vić dans le catalogue.
Pendant l’été en Grèce, il peint plu-
sieurs tableaux de moyens formats. A
Paris, il met les dernières touches au
Jardin d’amour sous surveillance, com-
mencé sur l’île Jakljan en 1990, et
termine également Le nuage blanc, Le
secret du diamant rose et Le réveil des
démons tout en poursuivant son travail
sur le grand format La jeune fille et la
mort, qui pour l’instant se remplit d’ob-
jets volants sombres et menaçants.
1997 La mort de la jeune fille
Ljuba commence un nouveau grand
format en plaçant au milieu de la toile
un corps de femme écartelée, enchai-
née, dans un nimbe de particules lu-
minescentes. A ce stade-là le tableau
se bloque, n’avance plus. Il pose à côté
de cette toile le tableau La jeune fille et
la mort, « pour qu’ils s’aident mutuelle-
ment ». C’est ce dernier qui subit alors
une modification radicale. « La jeune
fille, à la chevelure blonde et abondante
et aux beaux seins écartés » est dis-
simulée par une nuée d’objets volants.
Picturalement elle est morte et enter-
rée.
Il se sépare avec regret du tableau Ishibor, hommage à Beliaïev, qu’il consi-
dère comme son autoportrait métaphy-
sique. Ishibor (ou Ichtiandre) est le hé-
ros principal d’un des romans préférés
de sa jeunesse, « L’homme-amphibie »,
de l’écrivain russe Alexandre Beliaëv. Il
peint douze petits formats sous le titre
commun Les errances d’une ombre et
plusieurs tableaux pour l’exposition pro-
grammée en 1988 à la Galerie Thessa
Herold. Parmi eux, Barrage devant l’éter-
nité, tableau exécuté avec une perfection
glaciale qui provoque en lui un sentiment
d’étrangeté, « comme s’il avait été peint
par quelqu’un d’autre ». Il éprouvera en-
core ce sentiment et le mentionnera deux
ou trois fois dans ses cahiers.
A Belgrade, la revue « Itaka »
consacre tout un numéro (270 pages)
aux dessin et tableaux de Ljuba.
1998 Fin de partie
Deux expositions importantes. A Pa-
ris, Thessa Erold présente, dans sa
galerie, vingt-quatre tableaux récents,
dont douze spécialement peints pour
cette occasion. Catalogue préfacé par
Alain Vuillot, jeune professeur de philo-
sophie. En Belgique, à la Fondation Ve-
ranneman, deux salles entières consa-
crées à l’œuvre de Ljuba.
A Belgrade, à la Verica Art Galerie,
exposition de deux grands tableaux, La
Mort du soleil et Grande image du Mal.
Dans son village grec, il loue une
nouvelle maison, avec un réduit au fond
de la cour qui lui sert d’atelier. Il y peint
le tableau Fin de partie (Beckett), qui présente « la joie de la délivrance, la
festivité de l’abandon de la matérialité
terrestre ». En automne, il commence
de grands formats, Les vaisseaux fan-
tômes et Les cryptes du temps, avec les
éléments iconographiques déjà connus :
les corps, la lumière intense, les sque-
lettes, les émiettements, les dispersions…
Une interview de Ljuba, faite par
Alain Vuillot, paraît dans la revue litté-
raire d’orientation surréaliste « Supé-
rieur inconnu ».
A la Galerie Moderne Valjevo, expo-
sition de la collection de Čedomir Edre-
nić. Une trentaine d’oeuvres de Ljuba
sont présentées au côté des tableaux
de Šejka, Dado, Samurović et les autres.
Vers la fin de l’année Ljuba perd un
de ses meilleurs amis, le cinéaste et
écrivain Živojin Pavlović.
1999 Les cryptes pour l’histoire
Le travail sur Les cryptes du temps pro-
gresse bien. Ljuba lit « Hypérion », roman
de science-fiction écrit par Dan Simmons
et « Le Mystère des Cathédrales » de
Fulcanelli. Il trouve de « splendides coïn-
cidences » entre la pensée du célèbre al-
chimiste et son propre univers. Il note que,
grâce à Fulcanelli, il commence à saisir
la différence fondamentale entre l’art go-
thique et celui de la Renaissance. Au mois
d’avril, le tableau Les cryptes du temps
(Dan Simmons) est verni et « transmis à
l’histoire ». Le texte de Ljuba « Vers les
cryptes du temps » est publié dans le nu-
méro « Fin du siècle » (octobre-décembre
1999) de la revue « Supérieur inconnu »,
pour lequel il dessine la couverture.En novembre, exposition d’œuvres sur
papier à la galerie La Hune-Brener, Paris.
Parution de l’anthologie de l’art mo-
derne et contemporain « L’aventure de
l’art au XXème siècle » de Jean-Louis Fer-
rier, avec un texte sur Ljuba, « Le monde
fantastique de Ljuba », et la reproduction
du tableau Vénus et la mort.
La chaine d’hôtels Novotel lui com-
mande un dessin qui sera lithographié
en soixante exemplaires et lui offre en
échange un voyage aux îles du Cap Vert.
Au mois d’octobre, voyage à Belgrade où il
voit pour la première fois les dégâts cau-
sés par les bombardements de l’OTAN.
Au mois de décembre, voyage à l’île de La
Réunion, sur invitation de Jacques Mousseau.
Ljuba fait la connaissance de Michel
Poux, qui deviendra son ami et le plus im-
portant collectionneur de son œuvre.
2000 Le secret de la porte rouge
Ljuba termine le tableau Les vais-
seaux fantômes, auquel il donne un
deuxième titre serbe : Le secret de la
vie après la mort. Au milieu du tableau
il peint un squelette,
avec une tête qui res-
semble à la sienne.
Cet autoportrait ma-
cabre est entouré
de cathédrales qui
s’écroulent, de vais-
seaux fantômes, de
forêts enchantées,
d’un personnage
émergeant du monde
souterrain, d’une mu-
sicienne jouant sur le
fémur du squelette,
d’une femme aimée à une époque ancienne, d’une salle
cristalline… Il pense que c’est son pre-
mier tableau qui s’adresse à lui depuis
l’au-delà. Un autre tableau, Le secret de
la porte rouge, le rempli de panique. Il
lui attribue des pouvoirs maléfiques.
Il participe à l’exposition « Phantas-
tik am Ende der Zeit » à l’université
Erlangen, Nürnberg, Allemagne et à
l’exposition de groupe « Un regard de
Bernard Noël », à La Galerie de Franca
et Pierre Belfond.
La revue « Phréatique » publie sur la
couverture de son numéro 93 (Langage
et création) la reproduction du tableau
Salomé. Le texte sur Ljuba est de Ray-
mond Beyeler.
Ljuba perd un ami et collectionneur,
Jova Obradović.
2001 Évasion par les tableaux
Deux grands formats sur lesquels
il travaille depuis 1999 changent
constamment d’aspect. Il y voit, suc-
cessivement, « Les signes du ciel »,
« Lolita de la lumière », « Les femmes
de Dante », « Le domaine de Lucifer »…
Qui sont ces femmes qui surgissent des
ténèbres ? – se demande-t-il. Pourquoi
leurs corps irradient la lumière ? Est-
ce que c’est la lueur de l’enfer ?
Ljuba est de plus en plus effrayé par
la vitesse du temps qui s’échappe et par
le déclin de son existence terrestre. Il
se demande : « Est-ce que mon évasion
par les tableaux est assurée ? »
Il termine seize petits formats prévus
pour l’édition spéciale de sa prochaine monographie. Le titre L’errance d’un es-
prit fatigué est identique à celui d’un ta-
bleau de l’époque de ses études. En 1958
c’était choquant, en 2001 c’est naturel.
Il participe à l’exposition « Autour de
la revue Supérieur Inconnu », à la cha-
pelle de la Visitation de Thonon-les-
Bains (Haute-Savoie), dont il réalise
l’affiche et le carton d’invitation. La re –
vue reproduit Le secret de la porte rouge,
qui figure dans l’exposition, de même
que Fin de partie (Becket). Exposition de
groupe « A la folie… », à La Galerie de
Franca et Pierre Belfond.
En février, il passe deux semaines
aux îles du Cap Vert. Au village de Xi-
ropotami, en Grèce, il bénéficie à partir
de cet été d’une nouvelle maison, avec
un atelier dans lequel il peut s’isoler et
se consacrer pendant des heures à son
travail.
2002 Rêve de vol
Dernières touches et pose du vernis
sur les tableaux commencés en 1999.
Les titre définitifs sont L’abîme pour un
ange et Ténébreuse.
Participe à l’exposition « Rêve de
vol », au Musée des Arts Décoratifs
de Belgrade, organisée par la compa-
gnie aérienne yougoslave JAT. Exposi-
tion collective « Victor Hugo et les ar-
tistes contemporains » à Chamalières
(France). Il y est présent par deux ta-
bleaux des années 50, L’élevage des
boîtes métalliques et Sortie des cocons. A
Paris, Thessa Herold expose un de ses
tableaux récents à la FIAC.
2003 Ombre et lumière
L’opposition entre la lumière et les
forces obscures, déjà visible sur les ta-
bleaux Cité des âmes, Mort de jeune fille,
Les pulsations noires, Ténébreuse, peints
dans les années quatre-vingt-dix, s’in-
tensifie. Il peint un grand format au
double titre L’ombre et la lumière et Le
retour de l’ange noir, qu’il définit nette –
ment comme un tableau « entre le pa-
radis et l’enfer ».
Une très importante exposition re-
trospective a lieu à Subotica (Serbie).
Une centaine de tableaux, de 1953 à
2003, sont réunis sous le titre « Ljuba
ou l’évocation de la lumière ». Le texte
du catalogue est écrit par un grand
connaisseur de la vie et de l’œuvre de
Ljuba, Milenko Radović.
Parution de la monographie « Ljuba »
aux Editions Cercle d’Art, qui met en
évidence surtout les œuvres des deux
dernières décénies. Le texte est de Sa-
rane Alexandrian.
La télévision serbe RTS – TV Bel-
grade produit et présente une émis-
sion de 90 minutes intitulée « La soirée
artistique – Ljuba ». La productrice de
l’émission, Zorica Pantelić, conçoit en-
suite une deuxième émission de 30 mi-
nutes, sous le titre « Lumière et obs-
curité de Ljuba Popović ». Entre Zorica
Pantelić et Ljuba naîssent alors une amitié et une complicité qui dureront
jusqu’à ses derniers jours.
Ljuba et Michel Poux effectuent leur
premier voyage aux Seychelles. Pen-
dant quelques années encore, au cœur
de l’hiver, ils quitteront le froid parisien
pour le soleil des tropiques.
2004 Histoire de têtes
A la Galerie Moderne Valjevo, Ljuba
organise une exposition sur le thème
des têtes coupées. Il y participe avec le
tableau peint l’année précédente Contri-
bution à l’histoire des têtes coupées. Bien-
tôt, les têtes géantes prendront une
place importante dans sa peinture. Elles
auront très souvent une bouche grande
ouverte, symbolisant « la bouche de
l’enfer », qui attire vers elle de petits
personnages et les engloutit. Il termine
le tableau Face aux ténèbres.
A l’occasion de la parution de la mo-
nographie « Ljuba » par Sarane Alexan-
drian, Thessa Herold organise, dans sa
galerie, la présentation du livre et une
petite retrospective de l’œuvre de Ljuba.
A Belgrade, Ljuba commence sa colla-
boration avec l’Espace artistique Cercle
de Paris, fondé par Živojin Ivanišević.
Au mois d’avril, court voyage en Is-
rael, à la Mer Morte.
2005 Le rêve des fleurs vénéneuses
A Paris, à la Galerie Rambert, exposi-
tion d’un seul tableau, Le rêve des fleurs
vénéneuses, commencé l’année précé-
dente. Le texte du catalogue est écrit
par Michel Ellenberger. Quelques jours
après un vernissage très réussi, Ljuba
note dans son cahier : « Ce n’est pas
mon rêve ça, c’est le goût acide du poi-
son secreté par chaque être conscient
de l’inéluctabilité de sa disparition ». Il
termine les tableaux Une séance mira-
culeuse et La blancheur du demain (en
hommage à Živojin Pavlović) .A Belgrade, il participe à l’exposi-
tion organisée par l’Espace artistique
Cercle de Paris à l’occasion de la sortie
du livre « Cercle de Paris – Ljuba, Dado,
Vladimir Veličković, Miloš Šobajić ».
Fait connaissance de Pierre Mahieu,
son plus grand collectionneur de des-
sins.
2006 Le grand format
A Belgrade, l’Espace artistique Cercle
de Paris organise une exposition de six
tableaux, à l’occasion de la parution de
la monographie « Grands formats ». Le
texte intitulé « Le magicien du Val de
Grâce » est de Milan Komnenić. A la vue
de ses derniers tableaux Ljuba est de
nouveau saisi par cet étrange sentiment
que les tableaux ont été fait par quelqu’un
d’autre.
Il est de plus en plus fatigué. Il a l’im-
pression « que son corps complote contre
lui ». Il supporte mal une opération du
genou, mais continue à peindre au même
rythme qu’avant. Il note dans son cahier
que la peinture est sa source d’énergie et qu’elle le ramène à lui-même.
Termine le tableau L’Ecroulement, qui
est bientôt acquis par Michel Poux.
2007 L’expulsion du paradis
Derniers coups de pinceau sur le
grand format Démiurge ou L’expulsion
du paradis. Le vrai défi a été le rapport
entre les tonalités bleu pâle et rose.
Satisfait du résultat, Ljuba note que ce
tableau est peut-être son testament. Il
travaille sur d’autres tableaux, plus pe-
tits, qui portent des titres provisoires
(« La sphère bleue », « Les mats des
bateaux invisibles », « Les larmes mé-
talliques », « L’éclipse »…), toujours
dans la volonté pour « établir un équi-
libre entre la lumière du jour et les nau-
sées souterraines ».
A Belgrade, il participe à l’exposition « Hommage à Gustave Moreau », orga-
nisée, d’après son idée, à l’Espace ar-
tistique Cercle de Paris. Deux tableaux,
L’hommage à Gustave Moreau et Les
accords perdus d’Orphée ont été peints
spécialement pour cette occasion. A la
Galerie Moderne Valjevo, il est l’initia-
teur de l’exposition « Le symbolisme
dans la peinture serbe ». Branko Kukić
est l’auteur de l’exposition et du texte
pour le catalogue.
Voyage aux Seychelles avec Michel
Poux. Été en Grèce consacré au repos
et à la peinture.
2008 Un enfer tout à fait personnel
Il termine le tableau Les signes du
déluge, commencé en 2006. La sponta-
néité et la clarté de la partie centrale
proviennent de la blancheur de la toile
qu’il a laissé intacte. Les ombres qui
entourent une cité cristalline regorgent
de têtes et de petits être volants, qui
représentent les âmes perdues. Il ter-
mine également un autre grand for-
mat, Les âmes perdues, commencé en
2007. Un troisième grand format, dont
les ébauches ont été posés sur la toile
le jour du Noël orthodoxe (le 7 janvier),
est exécuté très vite. Ce tableau s’ap-
pellera Le chemin de l’enfer. « Quelque
chose a éclaté comme un furoncle. La
toile s’est ouverte en forme d’enfer et
s’est remplie de personnages tombant
dans un précipice ». Dans son cahier,
Ljuba explique qu’il s’agit ici d’un enfer
tout à fait personnel. Vers la fin de l’an –
née il commencera encore deux autres
grands formats sur le même thème,
L’invitation pour l’enfer et L’innocence et
les forces diaboliques.
Une émission pour la télévision
serbe RTS, intitulée « Pouvoir du ta-
bleau – entretien avec Ljuba Popović »,
est réalisée par Jasmina Simić.
Voyage aux Seychelles, au mois de
février. L’été à Xiropotami, en Grèce.
2009 Mission planétaire
Le collectionneur Michel Poux, qui a
déjà réuni une trentaine d’oeuvres de
Ljuba, lui commande un très grand for-
mat (260 x 400 cm). Ce sera le second
tableau d’une dimension aussi impor-
tante depuis la partie centrale du tryp-
tique Hommage à Sir James George Frazer
(1978). La toile est tendue sur le châssis
au mois de septembre et les premières
couches de peinture y sont posées
quelques jours plus tard. Le sujet sera
probablement quelque chose autour de
la fin du monde, de l’apocalypse, de l’ar –
rivée de l’Antéchrist… éventuellement
une promenade après la mort. Ljuba
se demande s’il va avoir assez de force
pour le terminer.
Sa santé l’inquiète. Il se remet diffici-
lement d’une seconde opération du ge-
nou. Malgré des douleurs articulaires
qui l’empêchent souvent de travailler,
il continue, parce que la peinture est la seule chose qui donne du sens à sa vie.
Elle est « sa mission planétaire ».
Il termine un tableau plein de dou-
ceur, L’innocence et les forces diaboliques,
puis un autre, L’invitation pour l’enfer.
Les deux sont acquis par Michel Poux,
comme prévu. La Somnambule II part en
Israël. L’évaporation, L’abysse et L’abys-
se pour les objets inconnus prennent la
route de Belgrade. Il exécute également
deux tableaux de formats carrés, inti-
tulée L’invitation pour l’enfer I et L’invita-
tion pour l’enfer II, sur lesquels il pour-
suit l’exploration d’une de ses images
préférées : les têtes géantes avec des
bouches grandes ouvertes en guise de
bouches de l’enfer.
A la Galerie Moderne Valjevo, il parti-
cipe à l’exposition « Portrait entre la ré-
alité et l’imagination », réalisée d’après
son idée. La même exposition sera pré-
sentée à l’Espace artistique Cercle de
Paris, à Belgrade.
Le 11 septembre, mort de Sarane
Alexandrian.
2010 Promenade après la mort
Le grand tableau « L’arrivée de l’Anté-
christ » devient « Ma promenade après
la mort ». Ljuba change plusieurs fois
le visage d’un des personnages qu’il
n’arrive pas à accorder à l’atmosphère
du tableau. Il veut que son tableau soit
« un dernier hurlement planétaire avant
l’obscurité finale ». En même temps, il
remarque que dans les parties obs-
cures de son tableau apparaissent des
étoiles qui scintillent. C’est l’univers qui
est éternel, pas les humains.
Il termine le tableau Singularité de
l’action démoniaque sur le corps. Acquis
par Michel Poux, il rejoindra L’innocence
et les forces diaboliques, avec lequel il
forme dorénavant un diptyque. Avec une
énergie qui semble intacte, il exécute
en même temps plusieurs tableaux d’un
format plus petit : Le masque bleu et ses
visiteurs, L’amour pyramidal, l’amour sub-
mergé, Le château de dernière espérance,
Le château noir, Allégorie de l’âme…
A la Galerie Moderne Valjevo, expo-
sition des dessins de Ljuba à l’occasion
de la parution du livre « Ljuba : dessins,
1952 – 1962 ». Le texte du livre est écrit
par Milenko Radović.
2011 Est-ce qu’il y a une vie après la mort
L’année est consacrée principale-
ment à la finition du grand tableau, qui
a pour titre définitif : Est-ce qu’il y a une
vie après la mort. Les cinq figures cen –
trales gardent la fraicheur d’exécution
des premiers jours, excepté un visage
qui, après avoir subi plusieurs change-
ments, sera brouillé. Ljuba n’y touchera
plus. Ces figures semblent représenter
tous les états d’un corps entre la vie et
la mort. Celle du milieu, lumineuse et
aérienne, pourrait symboliser l’âme qui
s’élève, laissant derrière elle un corps
décrépi et un cadavre sous ses pieds.
Les parties périphériques du tableau,
plus sombres, deviennent de plus en
plus denses, peuplées de petits dé-
mons, des âmes en peine, des crânes,
des créatures fantastiques… Ljuba ne
croit pas en Dieu. Il dit que, s’il y a une
vie après la mort c’est par ses tableaux
qu’elle devrait être assurée.
Dans la première moitié de l’an-
née naissent les tableaux de formats
moyens L’inventaire des objets bizarres
et Le sorcier.
Pendant l’été en Grèce, Ljuba peint
La reine du feu (deux tours en flamme), La
Bouche de l’enfer, L’île des têtes perdues,
La belle et robot, La ruine en flammes…
et une vingtaine de petits formats. Le plus souvent il met en scène l’oppo-
sition entre les corps porteurs de lu-
mière et les forces maléfiques. Les
têtes géantes apparaissent sur plu-
sieurs tableaux.
2012 Départ du tableau au château
Le tableau Est-ce qu’il a une vie après
la mort une fois terminé, est verni, dé-
monté et envoyé chez son comman-
ditaire Michel Poux, dans son château
d’Assy qui accueille la plus riche col-
lection privée d’œuvres de Ljuba, prin-
cipalement des grands formats.
Bien que désemparé par le départ
de son « tableau testament », Ljuba
continue à peindre. Pendant son séjour
estival en Grèce, il exécute plusieurs
tableaux à qui il donnera leur forme dé-
finitive à Paris : Le destin de Rolla (hom-
mage à Henri Gervex), Métamorphose,
Le maître des âmes perdues, L’invasion
avant le déluge, La tête de Saturne…
A Saint-Louis, il participe à une très
importante exposition collective consa-
crée aux mouvements de dadaïsme et de surréalisme : « Chassé-croisé Dada
– surréaliste, 1919-1969 ». L’initiateur de
l’exposition et auteur du texte dans le
catalogue est Georges Sebbag.
2013 Sans grand format
Une des rares années où il n’y a aucun
tableau de très grand format dans l’atelier
de Ljuba. Il travaille sur plusieurs « cent
figures » (162 x 130 cm) : Les fiancées de
ténèbres, La fumée blanche, Les métamor-
phoses…
Il se rend à Belgrade pour assister à la
promotion du livre « Ljuba, dans les collec-
tions privées », avec des textes de Nikola
Kusovac, Sreto Bošnjak, Milan Komnenić
et Dejan Đorić. Espace artistique Cercle
de Paris, l’éditeur de l’ouvrage, organise à
cette occasion une exposition des œuvres
reproduites.
La Galerie Moderne Valjevo organisel’exposition d’une des plus belles collec-
tions privées d’œuvres de Ljuba, celle de
la famille Ćurković. Les textes pour le
catalogue sont de Ljuba et de Nikola Ku-
sovac.
2014 Plus rapide, plus expressif
A partir des années 2012 – 2013, la
peinture de Ljuba montre des signes
d’un certain « modernisme ». L’exécu-
tion est plus rapide, plus spontanée. En
témoignent les tableaux Femme-hibou,
l’invasion des objets bleus, La belle au bois
métallique, Les larmes aux soleil, L’amour
bestial… Le corps de femme est tou-
jours le centre d’intérêt. Il est lumineux,
impudique, menaçant et menacée à la
fois. Les crânes et les têtes aux expres-
sions effrayantes sont très présents au point de devenir le seul sujet du tableau.
Exemple : La tour des têtes coupées.
Ljuba participe à plusieurs exposi-
tions collectives à Valjevo et à Belgrade.
L’espace artistique Cercle de Paris et
la maison d’édition Paideia publient
ensemble un livre avec des reproduc-
tions des œuvres de Ljuba et un choix de
textes sur lui.
A Valjevo, exposition d’un seul tableau,
Mystère en pleine lumière. Catalogue
avec des reproductions de détails du ta-
bleau et un texte d’Alain Vuillot.
Été tranquille en Grèce, ponctué de
conversations animées avec Nikola Ku-
sovac.
2015 Macabre et romantique
Dans la continuité des tableaux très
expressifs et avec une thématique plu-
tôt macabre, Ljuba peint Les miroirs des
esprits oubliés, Les forces maléfiques, La
danse macabre, La lune blanche… Excep-
tion à la règle Styx-rivière et Le secret
de la Mer Rouge où certains peuvent
lire une mélancolie ou d’autres un ro-
mantisme empreint d’angoisse. Il com-
mence le tableau de grand format L’em-
pire de Satan.
A la galerie RTS, Belgrade, exposition
de onze tableaux de grands formats. Le
texte pour le catalogue, intitulé « Hom-
mage au maître », est écrit par un ami
et grand connaisseur de l’œuvre de Lju-
ba, Milan Komnenić, décédé quelques
semaines auparavant. Le jour du vernis-
sage, présentation de la monographie
« Ljuba – choix de l’opus », publié avec le
concours de trois éditeurs : Pariski krug/RTS/Službeni glasnik. Les textes sont
choisis parmi ceux de plusieurs auteurs.
A la Galerie Moderne Valjevo, quatre
tableaux de Ljuba font partie de l’expo-
sition « Collection de Draško Milićević ».
En décembre, l’émission « Le temps
pour l’élite », présentée par Zorica
Pantelić à la télévision serbe RTS, est
entièrement consacrée à Ljuba.
Au mois d’octobre, mort soudaine
d’Anne Tronche. Critique et historienne
de l’art, amie dévouée, elle a été l’au-
teure d’un excellent texte sur Ljuba
paru dans la monographie de 1982.
Profondément affecté par sa mort, Lju-
ba lui consacre le tableau Antinéa.
2016 Derniers tableaux
Au début de l’année, lors d’une visite
à l’atelier du Val de Grace, Thessa et
Jacques Herold proposent à Ljuba une
exposition dans leur galerie, pour le
mois de juin. Les tableaux sont déjà en
nombre suffisant. Il ne reste qu’à ter –
miner L’empire de Satan et à peaufiner
éventuellement quelques détails sur
les autres. Comme prévu, l’exposition a
bien lieu au mois de juin. Elle est dédiée
à Anne Tronche. Le texte, « Ljuba – le
monde des tables et des souterrains »,
repris de son livre « Chronique d’une
scène parisienne » (Ed. Hazan), est pu-
blié dans le catalogue. Y figurent égale –
ment un texte de Mathilde Marchand et
un autre de Thessa et Jacques Herold
en hommage à Anne Tronche.Juste après le vernissage, Ljuba part
en Grèce. Une fois sur place, sans trop
tarder comme d’habitude, il met en chan-
tier plusieurs tableaux. Très vite pour-
tant, les ennuis de santé l’empêchent
de travailler. Son état de santé se com-
plique et il est transféré d’urgence dans
un hôpital de Belgrade. Il décède dans la
nuit du 11 au 12 août.
Pour la première fois,
son atelier du Val de
Grâce à Paris, reste-
ra désert au mois de
septembre.